Premier vol commercial à l’export du H-2A

Premier vol de la version améliorée du H-2A avec le satellite Telstar 12 Vantage. Crédit : Jaxa.
Le lanceur japonais a placé sur orbite de transfert son premier satellite pour un opérateur international. Un second contrat se fait attendre.

Mitsubishi Heavy Industries a enfin fait son entrée dans le club très fermé des fournisseurs de lancements commerciaux géostationnaires confirmés.

Le 24 novembre, à 06 h 50 TU, un lanceur H-2A F29 a décollé du centre spatial de Tanegashima avec à son bord un satellite de télécommunications de 4 900 kg, Telstar 12 Vantage, réalisé à Toulouse par Airbus Defence & Space, pour le compte de l’opérateur international Telesat, basé à Ottawa. À l’issue d’une mission qui aura duré 4 heures et 27 minutes, le satellite a été séparé avec succès sur une orbite de transfert géostationnaire à haut périgée (3 140 x 35 637 km, inclinée à 19,2°). Cette mission remplissait le premier contrat commercial jamais remporté par MHI pour une mission géostationnaire. C’était en septembre 2013 et MHI n’a pas signé d’autre contrat géostationnaire à l’export depuis.

En réalité, MHI a bien signé un autre contrat commercial pour un lancement géostationnaire, en mai 2014, mais avec l’opérateur japonais JSAT. Celui-ci intervenait pour le compte du consortium DSN qu’il mène aux côtés de Nec, NTT et Maeda. Celui-ci développe deux satellites en bande X de 5,3 tonnes chacun, sous maîtrise d’œuvre de Nec pour des communications sécurisées, dont le consortium louera toute la capacité au gouvernement japonais. Le H-2A doit lancer DSN-2 en janvier 2017. Entretemps, DSN-1 devrait avoir volé sur Ariane 5 en 2016 aux termes d’un contrat attribué à Arianespace en septembre 2013.

Des succès mineurs

Développé par l’agence spatiale japonaise Jaxa, le H-2A est passé sous maîtrise d’œuvre de MHI en 2002. L’industriel en assure la commercialisation effective depuis 2007 avec un succès très limité jusqu’ici. Outre Telstar 12 Vantage et DSN-2, il n’a décroché de contrat que pour deux satellites d’observation en passagers secondaires : Kompsat 3 signé en 2008 avec le Kari (Korea Aerospace Research Institute) sud-coréen et lancé en mai 2012, et KhalifaSat 1 (ex-Dubaisat 3) signé en février 2015 avec l’EIAST (Emirates Institute for Advanced Science & Technology) de Doubaï pour un lancement en 2017.

En 2003, MHI s’est associé à Arianespace et Sea Launch au sein d’une « Launch Service Alliance » dont l’objectif était de contrebalancer International Launch Services (ILS) et le Proton. Dans le cadre de ce partenariat, Arianespace a sous-traité deux lancements à Sea Launch en 2004 (DirecTV-7S) et 2006 (JCSAT-9), mais aucun à MHI.

Le lanceur de MHI semble pourtant compétitif sur le papier. Avec cette dernière mission, il affiche une fiabilité de 96,6 %, supérieure à celle du Proton (88,5 %) ou du Falcon 9 (94,7 %). Il est disponible en deux versions avec deux (202) ou quatre (204), accélérateurs latéraux, chargés chacun de 66 tonnes de propergol, pour placer 4 tonnes ou 5,95 tonnes de charge utile sur orbite de transfert géostationnaire. Pour lancer Telstar 12 Vantage, MHI a même introduit des améliorations sur le second étage afin qu’il puisse effectuer un troisième allumage, après plus de quatre heures de vol pour rehausser le périgée. La manœuvre fait baisser la capacité d’emport du H-2A/204 à 4,82 tonnes mais réduit les manœuvres de circularisation, ce qui constitue un véritable avantage, surtout pour les satellites à propulsion électrique dont le transfert géostationnaire sera écourté.

Renforcé par la faiblesse du yen

Enfin, le cours du yen – qui a chuté de près de 40% par rapport au dollar depuis 2011 et de près de 30 % par rapport à l’euro depuis 2012 – a eu un effet favorable sur la compétitivité à l’export. Les prix rapportés pour les vols militaires du H-2A/202 depuis 2011 variaient entre 10,3 et 10,9 Md¥ (84-89 M$ ou 79-84 M€ au cours actuel), tandis que le seul vol précédent du H-2A/204, qui remonte à 2006, a été facturé 11,9 Md¥ (97 M$ ou 91 M€).

La principale difficulté à laquelle MHI est confronté aujourd’hui est sa capacité à offrir des créneaux de lancement. La limitation ne vient plus des restrictions autrefois imposées par les pêcheries, qui ont été levées depuis plusieurs années, mais de la cadence de production des lanceurs, qui plafonne à quatre par an. Or la demande institutionnelle est déjà importante, ce qui ne permet pas de libérer facilement des créneaux pour les vols commerciaux. Par le passé MHI a néanmoins annoncé un objectif de trois vols commerciaux par an, ce qui nécessiterait d’accroître la production annuelle à six lanceurs.

Un H-2A « gonflé »

Le 29e H-2A comportait un second étage modifié capable de réaliser des missions plus longues. L’extérieur des réservoirs cryotechniques a été peint en blanc pour un meilleur contrôle thermique, également renforcé par une mise en roulis durant les phases balistiques. La mise en froid du moteur a été améliorée pour consommer moins d’ergols et le contrôle d’attitude utilise désormais les gaz issus de l’ébullition des ergols dans les réservoirs. Enfin l’étage est équipé d’une nouvelle batterie lithium-ion de forte puissance.

Telstar 12 Vantage sur l’Atlantique

Telstar 12V en essais chez Airbus à Toulouse. Crédit : Airbus DS. Telstar 12V en essais chez Airbus à Toulouse. Crédit : Airbus DS.

Le satellite lancé par le H-2A F29 a été immédiatement pris en charge par les équipes d’Airbus DS à Toulouse pour son transfert vers l’orbite géostationnaire. Cet Eurostar 3000, le quarantième à parvenir sur orbite, a été commandé par Telesat en août 2013 pour remplacer Telstar 12, lancé en 1999.

Il est doté d’une charge utile de 11 kW comportant 52 répéteurs en bande Ku. Une fois positionné à 15° Ouest, il offrira quatre couvertures principales sur l’Afrique australe, centrale et de l’Est, sur le Brésil, sur l’Europe, le Maghreb et le Moyen-Orient et sur l’Amérique hispanophone. Plusieurs faisceaux couvriront en outre l’Atlantique sud, les Antilles, la mer du Nord et la Méditerranée.

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