Airbus Helicopters ne veut pas lâcher le Caracal polonais

Caracal
Le Caracal a été choisi par le Koweit, alors que la Pologne a annulé le contrat. Crédit : Airbus Helicopters.
Confronté à l’hostilité du nouveau gouvernement polonais, Airbus Helicopters tente de renouer le dialogue pour sauver un contrat militaire de 3 Md€.

Airbus Helicopters y croit encore. En avril dernier, son H225M Caracal avait été sélectionné comme futur hélicoptère multi-rôle des forces polonaises face à l’AW149 de l’Européen AgustaWestland et au S70i Black Hawk International de l’Américain Sikorsky. Un mégacontrat de 50 hélicoptères pour 3 Md€. Las, un changement de majorité plus tard, alors même que le dossier est passé aux mains du Ministère du Développement polonais pour la cruciale discussion des compensations industrielles (« offsets »), les négociations sont au point mort. Son contrat menacé d’annulation, Airbus Helicopters multiplie les appels au dialogue.

Victorieux aux élections législatives d’octobre, le parti Droit et Justice (PiS), conservateur et eurosceptique, s’était dès le début opposé à son prédécesseur pour ce choix jugé défavorable à l’industrie polonaise.

Outsider industriel

Certes, techniquement le Caracal (masse maximale de 11,2 tonnes) était plutôt bien placé pour répondre au souhait de remplir avec un seul appareil des missions de transport tactique, de sauvetage au combat, de sauvetage en mer et de lutte anti-sous-marine. Face à un AW149 (8,6 tonnes) italo-britannique plus petit et surtout inexpérimenté militairement, et à un Black Hawk américain (10 tonnes) nécessitant deux versions pour les missions terrestres et navales, le champion d’Airbus Helicopters n’était peut-être pas le plus neuf, mais sophistiqué, polyvalent, et largement éprouvé sur le terrain.

Oui, mais AgustaWestland et Sikorsky avaient une longueur d’avance en termes d’ancrage industriel, dont la Pologne a fait une priorité. Le premier a racheté en 2010 PZL Świdnik, fabricant du Sokół, et l’impliquait dans le programme AW149 tout en prévoyant une ligne d’assemblage sur place. Quant à Sikorsky, il possède depuis 2007 PZL Mielec, qui assemble déjà des S70i pour le marché international.

Lobbying intensif

Les compétiteurs malheureux ont agité le spectre de centaines de suppressions d’emplois dans leurs sites polonais. Dès la sélection d’Airbus Helicopters, PZL Świdnik a engagé une procédure en arguant d’irrégularités dans la sélection. La contestation a reçu le soutien d’une fondation d’économistes de l’université de Lublin, dans un rapport défavorable à la proposition d’Airbus Helicopters : son bénéfice global pour l’économie polonaise représenterait « seulement 1/8e » de celui obtenu avec PZL Świdnik. Airbus Helicopters dénonce un argumentaire biaisé, acquis à AgustaWestland-PZL Świdnik – la proposition de Sikorsky étant proprement éludée – mais cet argumentaire est repris par le nouveau gouvernement.

Face au déchaînement médiatico-politique, l’hélicoptériste franco-allemand rappelle son engagement pour une ligne d’assemblage Caracal à Łódź, au travers de la coentreprise créée en 2013 avec WZL1 pour le marché polonais. Des transferts de technologies sont aussi prévus pour le soutien de la flotte sur trente ans, et la coopération scientifique renforcée pour le long terme. Au total Airbus Helicopters soutient que son offre permettra de créer 1 250 emplois directs et 2 000 emplois indirects.

Demandes de garanties

Mais le ministre adjoint de la Défense Bartosz Kownacki dit n’en avoir aucune garantie dans la proposition d’offsets. « La balle, clame-t-il, est dans le camp du ministère du Développement et dans le camp français. » Passées les franches menaces d’annulation, l’heure est à la mise sous pression.

Guillaume Faury, pdg d’Airbus Helicopters a repris la balle au bond le 4 décembre : « Il est essentiel pour nous d’expliquer, de discuter et, si nécessaire, d’adapter en détail notre offre. » Une main tendue qui préfigure des compensations plus contraignantes ? Notons que cette déclaration était faite plus largement « au nom du groupe Airbus », qui a promis des investissements à long terme dans le pays, jusqu’à évoquer un futur « pilier du groupe ». L’argument porte-t-il toujours auprès d’un nouveau gouvernement atlantiste ?

Pour la Pologne, il s’agit maintenant de redéfinir les priorités entre engagements géopolitiques, besoins opérationnels et développement industriel.

AgustaWestland cherche un client pour son AW149

Le « Black Hawk Killer » d’AgustaWestland a été conçu pour empiéter sur les terres du best-seller de Sikorsky sur le segment lucratif des hélicoptères de moyen tonnage. Pourtant, depuis sa présentation en 2006, il cherche toujours son client de lancement. L’hélicoptériste italo-britannique a déjà misé sur les besoins des forces turques en proposant un assemblage local. En 2011 la Turquie a cependant porté son choix sur une variante du Black Hawk. L’armée de l’Air italienne elle-même a préféré choisir son « petit cousin » AW139M.

L’AW149 a tout de même été certifié en juillet 2014 par les militaires italiens… mais c’est en Pologne, où il poserait sa ligne d’assemblage, qu’il continue d’espérer son premier marché. La variante civile AW189, qui a connu plus de succès, est elle assemblée au Royaume-Uni et en Italie.

Cet article a été publié dans le numéro 0.3 d’Aerospatium, daté du 12 décembre 2015.

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