Boeing au cœur de la tourmente
Alors que l’État de Washington a déclenché l’état d’urgence face à l’épidémie de Covid-19, dont il est l’un des principaux foyers aux États-Unis, Boeing a annoncé le 23 mars, comme la plupart des avionneurs, la suspension de ses chaînes dans la banlieue de Seattle. Sont concernés notamment les sites de Everett (777 et versions longues du 787), Auburn (pièces) et Frederickson (structures métalliques et composites). La production du 737 MAX, à Renton, était déjà à l’arrêt.
Effectif le 25 mars, cet arrêt des chaînes devrait durer deux semaines, durant lesquelles les employés affectés continueront d’être payés, assure Boeing. Les équipes en télétravail poursuivront leurs activités.
Conséquence de cet arrêt, Spirit AeroSystems, principal sous-traitant de Boeing, a également décidé de suspendre sa production pour l’avionneur sur ses sites de Wichita, au Kansas, et de McAlester, en Oklahoma. Mais il continuera à fournir la chaîne des 787 à Charleston, en Virginie. Cette suspension de deux semaines est calquée sur celle de Boeing, comme le sera le rythme de la reprise. Les employés de Spirit seront payés pendant cette période, mais leur avenir n’est pas garanti au-delà et dépendra des conditions de la reprise. La production pour Airbus et les autres clients se poursuit.
Airbus et ATR suspendent et reprennent
Comme annoncé, Airbus a ré-ouvert ses chaînes d’assemblage en France et en Espagne le 23 mars, après quatre jours d’interruption du travail qui ont permis de réorganiser les conditions de travail pour répondre aux nouvelles contraintes sanitaires imposées par l’épidémie de Covid-19.
L’avionneur avait déjà relancé sa ligne d’assemblage de Tianjin, en Chine, en février. Airbus a d’ailleurs profité d’un vol d’essai du nouvel A330-800neo durant le week-end des 21-22 mars, pour ramener plus de deux millions de masques chirurgicaux produits en Chine dont l’essentiel a été donné aux gouvernements espagnol et français. D’autres vols similaires sont prévus dans les prochains jours.
Conséquence des nouveaux rythmes découlant de la situation sur les lignes d’assemblage final, le 26 mars, Airbus a annoncé la réduction pendant trois semaines de sa production d’ailes dans ses usines de Broughton, au Royaume-Uni, et Brême, en Allemagne. Cette réduction sera obtenue en rallongeant le week-end de Pâques et en réduisant la durée des semaines de travail, mais sans fermer les sites.
Le confinement en France a également amené le constructeur de turbopropulseurs ATR à interrompre le travail dans ses usines de production et d’assemblage à Saint-Martin-du Touch et Francazal, dans la banlieue de Toulouse. Il s’agit de mettre en œuvre les conditions sanitaires et opérationnelles nécessaires à la sécurité des personnels.
Une reprise partielle est prévue à la fin mars.
Dassault prépare la reprise
Après un débrayage des employés de son usine d’Argenteuil, près de Paris, le 17 mars, premier jour du confinement en France, Dassault Aviation a suspendu les activités sur tous ses sites dès le 18 mars. Une reprise le 23 mars a été repoussée, le temps de parachever l’organisation de conditions de travail appropriées aux contraintes sanitaires, avec désinfection des installations et distribution de gel hydro-alcoolique. Une réunion exceptionnelle de comité social et économique central de la société était prévue le 26 mars pour préparer les conditions du redémarrage.
Daher à l’arrêt
L’avionneur français a annoncé le 19 mars la suspension jusqu’à nouvel ordre de la production de ses monopropulseurs TBM, sur l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyrénées. « Toutes les dispositions seront prises pour assurer un redémarrage rapide de la chaine d’assemblage final dès que possible », assure cependant le P-DG Didier Kayat.
En revanche, pour le moment, la production des Kodiak 100 est maintenue sur l’ancien site de Quest, à Sandpoint dans l’Idaho, aux États-Unis.
Bombardier, un mois d’interruption
Au Canada, Bombardier a décidé de suspendre sa production aéronautique et ferroviaire à compter du 26 mars et jusqu’au 26 avril. Cette décision répond à une demande exprimée le 23 mars par les gouvernements des provinces de Québec et d’Ontario qui ont appelé à la fermeture de toutes les entreprises classées « non essentielles ». Le centre de service pour l’aviation d’affaires à Wichita, au Kansas, devrait rester opérationnel sur la période de confinement, avec un personnel limité.
Les deux autres avionneurs canadiens, De Havilland et Viking Air, filiales de Longview Aviation, ont précédé Bombardier en interrompant le travail sur les chaînes des turbopropulseurs Dash 8 à Toronto et Twin Otter à Calgary, dès le 20 mars et « pour une durée indéterminée ».
Embraer en chômage technique
Tandis que le président Jair Bolsonaro refuse le confinement qui risque de « ruiner le Brésil », l’avionneur national Embraer a mis ses 16 000 employés en chômage technique jusqu’au 31 mars. La moitié d’entre eux étaient déjà en télétravail. Cette mesure ne s’applique pas aux sites de l’avionneur en Europe, déjà touchés par les confinements nationaux, ou en Floride, où se trouve la chaîne du Phenom.
Le directeur financier de Boeing, Greg Smith, a rappelé le 24 mars l’importance du projet d’acquisition de la partie civile d’Embraer, qui doit devenir Boeing Brazil une fois obtenues les autorisations réglementaires internationales. L’effondrement du cours de Bourse de l’avionneur brésilien, qui a perdu les deux tiers de sa valeur entre le 20 février et le 23 mars, avait fait craindre une remise en cause du prix promis par le géant américain. Dans la foulée de cette annonce, le titre Embraer a rebondi de plus de 36 % en deux jours à la bourse de Saõ Paulo.
L’avionneur brésilien a publié ses résultats annuels le 26 mars. Avec 89 jets commerciaux et 109 jets d’affaires livrés en 2019, Embraer a atteint ses objectifs de l’année. Son chiffre d’affaires est resté stable à 5,46 Md$ (+ 1 %) avec une perte opérationnelle de 5,4 M$ – proche de l’objectif d’équilibre approximatif – et une perte nette de 217,5 M$. Le carnet de commandes au 31 décembre s’établissait à 16,8 Md$, en hausse de 3 % par rapport à 2018, et l’avionneur a fini l’année avec une trésorerie de 2,78 Md$. Aucune prévision n’a été émise pour 2020 compte tenu des incertitudes liées à la crise actuelle.
Embraer apporte son soutien au monde médical
Avec le soutien de sa chaîne de sous-traitance, Embraer s’est engagé dans un partenariat avec des centres de recherche pour le développement et la qualification de pièces et d’équipements pour les respirateurs médicaux qui permettront de traiter les malades atteints par le Covid-19. Il s’agit notamment de remplacer des éléments habituellement achetés auprès de fournisseurs étrangers et de développer des systèmes de filtrage de grande efficacité. Ils sont dérivés de la technologie du conditionnement d’air à bord des avions pour transformer des lits médicaux simples en lits de soins intensifs. L’avionneur va aussi se lancer dans la fabrication de respirateurs transportables et robustes rapidement disponibles. La production devrait démarrer fin mars.
Textron pratique la suspension étagée
Textron, maison-mère de Cessna et Beechcraft, a annoncé une série de suspensions de quatre semaines sur ses différents sites de production et d’entretien, étagées entre le 23 mars et le 29 mai. Cette formule devrait lui permettre de continuer à répondre à la demande de ses clients.
L’exception Mitsubishi parmi les avionneurs
Au Japon, où le gouvernement n’a pas mis en place de mesure de confinement, Mitsubishi Aircraft semble continuer ses activités normalement. La principale actualité reste le premier vol du dixième prototype du SpaceJet M90, le 18 mars à Nagoya en configuration de certification. L’appareil doit rejoindre prochainement le reste de la flotte d’essais en vue de la campagne de certification de type, à Moses Lake, dans l’État de Washington, où l’état d’urgence sanitaire a été déclaré le 23 mars.
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