MCO : l’armée veut améliorer la disponibilité de ses appareils

Un Transall de l'armée de l'air française. Crédit : Armée de l'air.
Le ministre a présenté un plan ambitieux pour améliorer le maintien en condition opérationnelle des aéronefs de l’armée, qui implique la chaîne de commandement et plus fortement les industriels. Les enjeux sont importants, avec une disponibilité inférieure à 30 % en dehors des opérations extérieures.

Florence Parly avait convié la presse sur la base d’Évreux, où se trouvent entre autres les Transall de l’Armée de l’air. Un symbole pour le MCO (Maintien en condition opérationnelle), alors que ces avions ont largement dépassé les quarante ans et continuent de compenser les manques de l’A400M. Selon le chef d’État-major de l’armée de l’air, le général Lanata, s’exprimant début novembre devant les parlementaires, les problèmes du dernier avion de transport sont loin d’être résorbés : seuls deux A400M sur douze étaient alors en état de voler…

Le MCO coûte cher, 4 Md€ en 2017, contre seulement 3,2 Md€ en 2012 « soit une hausse de 25 % en cinq ans », précise le ministre. Malgré cela, il ne permet d’assurer actuellement qu’un taux de disponibilité global de 44 %. La priorité est donnée aux opérations extérieures, avec comme conséquence un taux de disponibilité très bas en métropole, inférieur à 30 %.

Le sujet coûteux a été pris au sérieux dès l’arrivée du ministre « avec une attention toute particulière du président de la République », a expliqué Florence Parly dans son discours. Une mission a été confié à Christian Chabbert, ancien directeur du service de la maintenance et ancien directeur adjoint du programme Rafale au sein de la Direction générale de l’armement (DGA), qui a remis un rapport au ministre.

La disponibilité, loin de s’améliorer, a diminué : elle était de 55 % lorsque la Simmad a été créée en 2000, et elle a baissé à 44 % en 2012, taux auquel elle est encore aujourd’hui.

Le vieillissement des flottes a comme conséquence de renchérir le coût de l’heure de vol sans améliorer la disponibilité des appareils : pour « le C-130, […] le coût d’une heure de vol est passé de près de 6 000 € en 2012 à 15 000 € en 2016, soit une augmentation de 150 %, pour un parc identique et alors que sur la même période, l’activité et la disponibilité ont toutes les deux baissé de plus de 40 % ».

Mais, de façon plus étonnante, ce surcoût traduit par l’augmentation des fonds se retrouve aussi pour des appareils récents. Le ministre a ainsi tiré du rapport des exemples précis : pour « les hélicoptères Caracal,[…] le coût de l’heure de vol est passé de près de 19 000 € en 2012 à 34 000 € en 2016, soit une augmentation de 81 %, pour une activité stable et une disponibilité amputée d’un cinquième.

Tout n’est pas négatif, et la priorité donnée aux opérations extérieures s’est montrée à la hauteur sur le terrain, avec un bon taux de disponibilité, supérieur à 75 %. Mais il y a de gros points noirs : le Tigre a besoin de 30 heures de maintenance pour chaque heure de vol, et de manière générale les hélicoptères militaires nécessitent presque 40 heures de révision pour chaque heure de vol, immobilisant les appareils plusieurs mois d’affilée (cf. encadré).

Une nouvelle organisation

Pour tenter de secouer la machine, qui a depuis quinze ans affronté maints rapports sans grand effet, Florence Parly a choisi de modifier l’organisation. La Simmad laissera place au 1er mars prochain à une Direction de la maintenance aéronautique, sous le nouveau sigle de DMAé. Elle « sera placée sous l’autorité directe du chef d’État-major des Armées », et sa stratégie sera validée par le CEMA lui-même.

La DGA devra apporter son soutien, et surtout, « au moment de l’acquisition d’un nouveau matériel, [devra élaborer] un contrat qui inclura le soutien dans les premières années d’utilisation ». « La conception de nos équipements neufs doit désormais être systématiquement pensée en intégrant leur future maintenance, dont les coûts excèdent bien souvent le prix d’achat. C’est en coût global qu’il nous faut maintenant absolument raisonner, avant d’engager l’achat de matériel neuf », a précisé la ministre. Les exigences envers la DGA ne s’arrête pas là, le ministre demandant à la direction générale de l’armement de mettre à la disposition de la nouvelle DMAé du personnel compétent et qui ne sera pas soumis au plan annuel de mutation.

Une équipe projet, chargée de mettre en place la DMAé, sera nommée au 1er janvier, et aura pour mission de faire travailler ensemble les États-majors, la DGA et le service industriel de l’aéronautique (SIAé, en charge de la maintenance). Le CEMA aura lui pour mission de de fixer des objectifs de disponibilité. À ce titre, il en sera aussi comptable.

Les contrats modifiés

Les contrats doivent aussi changer de nature, et c’est sans doute la partie la plus importante de ce plan : « la DMAé généralisera le recours à des contrats de soutien longs et globaux confiés à un maître d’œuvre principal, et particularisé à chaque flotte. En particulier, la DMAé ne dissociera pas les fonctions logistiques des activités de réparation ou d’entretien. L’industriel doit être responsabilisé de bout en bout, et la DMAé devra se concentrer sur le pilotage de ces contrats rénovés ». Les industriels doivent ainsi assurer un soutien de bout en bout en tant que maître d’œuvre.

Le ministre promet des effets rapidement, une gageure tant que le taux d’engagement des forces françaises à l’étranger reste à un niveau élevé – et peut-être supérieur aux moyens que le pays accorde à son armée.

Un Tigre de l’Alat en Afghanistan. Crédit : K. Brasier – US Air Force.

Une gestion archaïque des contrats

Airbus Helicopters est en première ligne sur la question du MCO militaire. Dès 2014 et les rapports soulignant le manque de disponibilité des hélicoptères, le groupe a mis en place une nouvelle structure pour améliorer la situation. Aujourd’hui, il n’y a pas d’opérations sans hélicoptères, rappellent les militaires. Pour autant, les contraintes de réparation et la conception des contrats qui la gèrent ne sont pas efficaces.

C’est le cas notamment pour le Tigre, dont le mode de soutien est « archaïque », disent les responsables d’Airbus Helicopters. Ils constatent que la machine est compliquée, en rétrofit permanent pour assurer les transformations à de nouveaux standards tactiques, notamment le passage du HAP au HAD. Elle souffre aussi d’un manque chronique de pièces, avec près de 30 contrats de maintenance différents rien que pour elle. La renégociation de cet aspect est en cours, et doit permettre de mettre à disposition les pièces sous trois jours, comme c’est déjà le cas pour d’autres appareils.

L’État gère des dizaines de contrats, tous différents, selon les machines, les forces, ne permettant pas une optimisation de la disponibilité des pièces. C’est un aspect de réorganisation important qui doit être mis en place par le ministère.

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