Mythologies

Lorsque l’on réunit en convention une poignée de citoyens lambdas pour les faire se prononcer sur un sujet technique complexe aux multiples ramifications, il est à peu près certain que l’on obtiendra dans leurs conclusions une collection de poncifs, raccourcis et contresens dans laquelle transparaîtra, au mieux, les opinions des « experts » qui les auront assistés. Tristement, le même scénario peut se produire si l’on remplace les citoyens par des experts sortis de leur domaine de compétence.

Le « comité consultatif de haut niveau » (HLAG) mis en place par l’ESA l’an dernier pour définir des pistes de réflexion sur l’intérêt d’une capacité autonome européenne pour les vols habités a rendu son rapport. En une trentaine de pages, il synthétise les grandes lignes que les politiques devront prendre en compte avant de décider si le jeu en vaut la chandelle.

L’effort est louable mais il perd de sa crédibilité lorsque l’on entend l’un des « sages » du comité, l’ancien ministre Cédric O. Ce dernier parvient à expliquer, dans un même souffle, que l’Europe doit se doter de moyens en propre de débarquer sur la Lune en dix ans (« la NASA l’a fait en moins de temps que ça avec Apollo ») mais qu’il n’investirait pas son propre argent dans le projet car l’Europe ne sait pas gérer ses budgets (« alors qu’aux États-Unis, SpaceX, sortant de nulle part, a tout révolutionné »). C’est ignorer que le succès d’Apollo a bénéficié d’une économie de guerre consécutive à l’assassinat de son initiateur, ou que le succès de l’épopée d’Elon Musk s’est bâti sur des subsides publics et sur quarante années d’investissements et de développements technologiques dont il a bénéficié gracieusement.

Un accès européen à l’espace habité est une nécessité géopolitique et un devoir de civilisation, mais il ne doit pas être bâti sur des mythes, ou sur leur version moderne qu’est le storytelling. Pour avoir sa place au-delà de la Terre, l’Europe doit unir ses efforts et oser. Cela sera difficile et cher, mais, à terme, moins coûteux que de ne rien faire.

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