Quarante ans après son lancement, l’A320 s’impose comme l’avion de ligne le plus vendu dans le monde. Le monocouloir, qui a permis à Airbus de se hisser au rang de numéro un mondial de l’aéronautique, surpasse désormais son rival, le 737 de Boeing, son aîné d’une quinzaine d’années. Mais si tout a réussi à l’avion européen depuis 1984, y compris sa remotorisation avec la famille A320neo qui lui a donné une nouvelle dimension, une autre partie se jouera autour des remplaçants des « blockbuster » des deux géants, pour laquelle les cartes seront nécessairement rebattues.
Avec 12 151 appareils de la famille A320 livrés depuis son lancement en 1984, le moyen-courrier d’Airbus a dépassé son concurrent de la côte Ouest américaine, livré à 12 141 exemplaires depuis son entrée en service en 1968, en tenant compte des seules versions commerciales et d’affaires. Le carnet de commande de l’A320, toutes versions confondues, s’élève aujourd’hui à 7 134 appareils, contre 4 866 pour le 737.

« À l’époque, qui aurait pu s’attendre à ce qu’il devienne numéro un, et avec des volumes de production aussi élevés ? », a relevé Max Kingsley-Jones, du cabinet de conseil aéronautique Cirium sur les réseaux sociaux.
La révolution A320
Plus grand, plus haut et surtout plus moderne que son prédécesseur, l’A320 a d’emblée été doté de technologies de rupture : les commandes de vol électriques et le mini-manche latéral (joystick) pour le pilotage, le « glass cockpit » synthétisant l’ensemble des informations de vol en lieu et place des traditionnels cadrans et enfin le pilotage à deux – ce qui provoqua une grève chez Air Inter.
À l’époque, Airbus Industrie évaluait le seuil de rentabilité du programme à 600 appareils et visait un tiers des parts du marché avant l’an 2000, évalué à 3 000 appareils. Le 10 000e A320 – un A321neo – sera finalement livré en 2020, au profit de la compagnie libanaise Middle East Airlines (MEA), qui avait déjà pris livraison du 5 000e A320 huit ans plus tôt.

Décliné en quatre versions – A318, A319, A320 et A321 – avec des capacités d’emport supérieures à son rival en termes de cargo, l’A320 offre aux compagnies aériennes la flexibilité nécessaire pour exploiter leur réseau tout en réduisant les coûts de formation et de maintenance.
Après l’Europe, où Air France s’est d’emblée engagée à commander l’appareil, l’A320 s’est imposé aux États-Unis, chasse-gardée de Boeing, grâce à la compagnie Northwest Airlines.
International et remotorisé
Airbus a depuis ouvert une ligne d’assemblage dédiée au marché américain, à Mobile en Alabama, qui s’ajoute à celles de Toulouse et Hambourg. L’A320 est également assemblé à Tianjin, en Chine.

Face au succès de l’A320ceo, sa version initiale, Airbus a eu le coup de génie de proposer une version remotorisée de l’appareil qui a relancé la carrière du monocouloir. L’A320neo, qui offrait une réduction de 15 % de la consommation de carburant par rapport à son prédécesseur, a pris de court Boeing qui a finalement dû se résoudre à lancer le 737 MAX, version remotorisée du 737 NG qui était déjà une modernisation du modèle original.
Le géant européen a ainsi non seulement renforcé sa domination sur le moyen-courrier, avec environ 60 % des parts tous modèles confondus, mais il a pu prendre le large sur le haut du segment, entre moyen et long-courrier, grâce à l’A321neo. Les versions Long Range (LR) et Extra Long Range (XLR) de l’appareil lui ont aussi permis de prendre pied sur les liaisons transatlantiques, traditionnellement réservées aux long-courriers, et de grignoter une part du « milieu de marché » sur laquelle Boeing ne dispose pas d’offre concurrente.
Le défi de la succession à l’A320
Quarante ans après le lancement de l’A320, le défi d’Airbus est désormais de faire aussi bien avec son remplaçant. Les moyen-courriers représenteront environ 79 % des parts de marché en 2044, selon Airbus, qui table sur 34 250 nouveaux appareils d’ici 2044.

Guillaume Faury, le patron d’Airbus, a promis un nouvel avion pour la seconde moitié de la prochaine décennie, « entre 2035 et 2040 ». Il devra afficher 20 à 30 % d’amélioration de l’efficacité énergétique par rapport à la génération actuelle et être capable de voler avec jusqu’à 100 % de carburants durables SAF (Sustainable Aviation Fuel). Ce sera une « évolution plutôt qu’une révolution », a-t-il dit lors de l’Airbus Summit en mars dernier à Toulouse.
Sur le plan technologique, plusieurs pistes sont explorées, du moteur non-caréné de type « open rotor » à l’aile ultra-performante articulée, en passant par des batteries de nouvelle génération et des matériaux composites.
Safran et GE Aerospace travaillent sur le projet Rise (Revolutionary Innovation for Sustainable Engines) destiné à servir de base au moteur CFM qui équipera les moyen-courriers de nouvelle génération.

Boeing tente de sortir de l’ornière
Boeing a lui aussi engagé des travaux sur le moyen-courrier du futur, avec des options parfois différentes, mais la priorité pour le constructeur américain est de se rétablir financièrement et de lancer ses programmes en retard, les 737 MAX7 et MAX10 et le 777X, avant de s’engager dans cette voie.
« La demande pour [nos] produits est énorme, et je dirais que l’accent est davantage mis sur la modernisation des avions existants, l’installation de nouveaux moteurs et l’amélioration de leurs capacités », a déclaré Kelly Ortberg, le patron de Boeing, au magazine spécialisé Aviation Week avant le dernier salon du Bourget.
Reste le constructeur chinois Comac, qui a lancé le C919 pour concurrencer l’A320neo et le 737 MAX et avec lequel il faudra compter à l’avenir.
Quant à son homologue russe, le MS-21, produit par Irkut, qui appartient à United Aircraft Corporation (OAK), son développement – déjà difficile – a connu un grand coup de frein avec les sanctions appliquées après l’agression russe en Ukraine en février 2022. Il devrait néanmoins entrer en service chez Aeroflot en 2026, mais il semble hors course sur le marché international.
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