Boeing pourrait racheter Spirit pour sortir de la crise

737 MAX
Spirit Aerosystems est le principal fournisseur d'aérostructures de Boeing. Crédit : Spirit Aerosystems.
Près de vingt ans après s’être séparé de sa filiale de Wichita, Boeing envisage de racheter Spirit AeroSystems, son fournisseur de fuselages de 737 MAX, afin d’en finir avec les problèmes qu’il rencontre sur la qualité.

Le géant américain Boeing a annoncé début mars avoir engagé des discussions préliminaires en vue du rachat de l’équipementier Spirit AeroSystems alors qu’il est sous la surveillance étroite de la FAA (Federal Aviation Administration) et des élus du Congrès après l’incident d’un 737 MAX d’Alaska Airlines le 5 janvier.

« Nous croyons que la réintégration des opérations de fabrication de Boeing et de Spirit AeroSystems renforcerait davantage la sécurité aérienne, améliorerait la qualité et servirait les intérêts de nos clients, employés et actionnaires », a déclaré l’avionneur.

Spirit AeroSystems a confirmé ces discussions en soulignant qu’« aucune garantie ne peut être donnée qu’un accord définitif sera conclu, qu’une transaction sera réalisée, ni le calendrier, les termes ou les conditions d’une telle transaction. »

Réduire les coûts et les risques

L’objectif numéro un de Boeing dans cette opération est de résoudre les problèmes récurrents que rencontre son équipementier, présent sur le 737 MAX et le 787, et qui l’ont contraint de suspendre les livraisons d’avions, à plusieurs reprises, le temps de procéder aux inspections et d’effectuer les réparations nécessaires.

787 Bobinage
Bobinage en composite d’une section de fuselage de 787. Crédit : Spirit Aerosystems.

Le deuxième objectif est de stabiliser sa chaîne d’approvisionnement au moment où il est engagé dans une montée en cadence cruciale sur le 737 MAX pour répondre à la concurrence d’Airbus sur le segment moyen-courrier.

Boeing espère enfin réduire ses coûts de production en combinant les ressources des deux groupes alors que les difficultés de trésorerie de Spirit, liées aux tarifs très serrés que lui impose l’avionneur, sont en partie responsables de la dégradation de la qualité chez l’équipementier.

Spirit est dans le rouge depuis 2019 et pour l’aider à sortir de l’ornière et à soutenir sa production, le constructeur de Seattle a passé à l’automne un accord avec prévoyant de revoir ces tarifs à la hausse. Il a également imposé un nouveau patron par intérim à l’équipementier, un ancien de Boeing, Patrick Shanahan, surnommé « Mr. Fix-It » lorsqu’il travaillait pour l’avionneur.

Retournement de stratégie pour Boeing

C’est donc aussi pour éviter que ces coûts ne pèsent directement sur lui que Boeing s’est décidé à revenir sur sa stratégie d’externalisation de pans entiers de la construction de ses avions, celle-là même qui l’avait conduit à se séparer de sa filiale en 2005… pour réduire ses coûts.

Interrogé fin janvier par CNBC sur cette stratégie, qu’il a lui-même longtemps soutenue, David Calhoun, le patron de Boeing, a reconnu qu’il était temps de reconsidérer les choses. « Est-elle allée trop loin ? Oui, c’est probablement le cas », a-t-il déclaré.

Spirit Boeing
La pression sur la production des cellules de 737 MAX chez Spirit a été à l’origine de problème de qualité. Crédit : Spirit AeroSystems.

Mais cette éventuelle acquisition de Spirit comporte aussi des risques. Elle va immanquablement peser sur ses finances alors que le constructeur est lourdement endetté depuis la crise du 737 MAX en 2019, à laquelle s’est ajoutée la pandémie de Covid-19. Sa dette représente 52 M$ et l’avionneur a un besoin urgent de remonter sa cadence de production afin de générer de la trésorerie et atteindre les objectifs financiers qu’il s’est fixé pour le milieu de la décennie.

Elle contraindra également Boeing à y consacrer des ressources internes importantes au moment où il doit se concentrer sur ses propres lacunes en termes de qualité, sans y répondre directement.

Boeing sur la sellette

Le dernier épisode en date s’est traduit par les critiques de la patronne du NTSB (National Transportation Safety Board), Jennifer Homendy, qui a reproché à Boeing de ne pas avoir fourni les noms des 25 personnes de son usine de Renton, près de Seattle, qui travaillent sur les panneaux de porte identiques à celui en cause dans l’incident du vol d’Alaska Airlines, ainsi que certains documents clés nécessaires à l’enquête, que le bureau d’enquête réclamait.

NTSB
Selon le NTSB, la porte arrachée avait été mal fixée chez Boeing. Crédit : NTSB.

« Il est absurde que deux mois plus tard nous n’ayons pas cela », a-t-elle déclaré lors d’une audition de la commission sénatoriale du commerce, en charge des transports.

Boeing s’est immédiatement exécuté mais a reconnu que certains documents étaient manquants. « Nous avons maintenant fourni la liste complète des personnes faisant partie de l’équipe chargée des portes du 737, en réponse à une demande récente », a-t-il indiqué en ajoutant que « si le retrait du panneau de porte n’était pas documenté, il n’y a pas de documentation à partager. »

Spirit, entre Boeing et Airbus

Le rachat éventuel de Spirit Aerosystems par Boeing posera inévitablement la question de son partenariat avec Airbus autour de deux programmes clés de l’avionneur européen, l’A220 et l’A350.

L’équipementier est en charge de la conception et la fabrication des ailes composites de l’A220, assemblées dans son usine de Belfast, en Irlande du Nord, rachetée en 2019 à Bombardier. Il a également en charge, via son usine de Kinston, en Caroline du Nord, des panneaux de la section centrale de l’A350, dont il fabrique également le longeron avant et le bord d’attaque fixe de l’aile.

Enfin, il construit les éléments des bords d’attaque et de fuite des ailes de toute la famille d’avions A320 dans son usine de Prestwick, en Écosse, rachetée à BAE Systems en 2006.

Le géant européen devra donc immanquablement se positionner sur le dossier et des discussions exploratoires ont déjà eu lieu concernant l’usine de Belfast.

A220 voilure composite
La production des ailes en composites de l’A220 est assurée par Spirit Aerosystems à Belfast, qui a racheté la chaîne à Bombardier en 2019. Crédit : Bombardier.

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