La Belgique rejoint le Scaf et veut en prendre la tête

    NGF SCAF
    © ERIDIA Studio / Dassault Aviation - V. Almansa
    Volte-face à Bruxelles : le gouvernement belge vient de décider de revoir du tout au tout ses plans pour le renouvellement de la composante Air de sa Défense. Adieu le F-35A, au profit d’une prolongation des F-16 et d’une entrée de la Belgique dans le programme européen Scaf, avec une solution originale au problème de gouvernance de celui-ci.
     
    Nous remercions nos lecteurs de ne pas s’être offusqués de cet innocent poisson d’avril, qui respecte une vieille tradition de la presse aéronautique et spatiale française.

    Le dernier retard annoncé dans le programme F-35 de Lockheed Martin aura été celui de trop. Décrié par l’US Air Force et la Royal Air Force, qui se préparent à réduire leurs commandes, le F-35 était depuis plusieurs mois dans le collimateur des parlementaires en Belgique.

    La ligne défendue par le député d’opposition Sandrine Vishaak, qui a harangué la Chambre des représentants à plusieurs reprises sur ce thème ces derniers mois, a fini par être entendue : « À force d’asticoter le gouvernement, nous avons su ferrer son intérêt et le ramener à la raison », a expliqué la parlementaire de Karper-Hengel, dans le Hainaut. « Il n’y a plus de friture sur la ligne », conclut-elle.

    Le 18 mars, un nouveau report de la version Block 4 de l’avion de combat de 5e génération, la première a pouvoir intégrer des systèmes d’armes non-américains, a été annoncé par le GAO (Government Accountability Office), l’équivalent de la Cour des comptes aux États-Unis. Initialement prévue en 2024 et déjà retardée à 2026, cette nouvelle version ne ferait finalement ses débuts qu’en 2027 au plus tôt, et vraisemblablement plus tard.

    F-35A Pays-Bas
    Le F-35A a déjà été livré à l’armée de l’air néerlandaise, qui a soutenu fortement l’achat du même appareil en Belgique pour simplifier les opérations communes. Crédit : S. King – US Air Force.

    Ce retard, qui va coûter au moins 1,9 Md$ aux contribuables américains, affectera aussi les appareils belges, censés être livrés au standard Block 4 à partir de 2025 et qui devront donc subir une remise à niveau, pour laquelle un nouveau budget aurait à être débloqué.

    « Dans les conditions budgétaires difficiles que doit traverser le royaume avec le contre-coup de la crise du Covid-19, nous ne savons plus payer la facture ! », s’est ému le général G. Rooktezalm, en charge des programmes d’acquisition de l’état-major au ministère belge de la Défense.

    Une nouvelle vie pour le F-16

    Au cours des dernière semaines, les différents ministères impliqués – Défense, Budget et Industrie – ont donc développé un plan alternatif en trois volets qui a été présenté en secret à la Commission de la Défense nationale de la Chambre des représentants du Parlement fédéral, et devrait être dévoilé officiellement en session, le temps pour les députés de la coalition gouvernementale de partir à la pêche aux soutiens du côté du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, du Parlement flamand et du Parlement de la Communauté germanophone de Belgique.

    Dans un premier temps, Bruxelles étudie les options légales lui permettant de dénoncer la commande de 34 F-35A passée en octobre 2018 par un gouvernement précédent, tout en négociant avec Lockheed Martin une compensation sous la forme d’une remise à niveau de l’actuelle flotte de F-16. Cette remise à niveau serait assurée avec une implication profonde de l’industrie aéronautique, autour de Sabca, qui assure depuis plusieurs décennie le MCO de l’ensemble des F-16 européens et n’aurait plus été que fournisseur de gouvernes sur le F-35.

    Un F-16 belge en patrouille au-dessus de l’Afghanistan. Crédit : A. Allmon, US Air Force.

    Un document de Lockheed Martin ayant révélé en 2018 que les F-16 belges sont dans un bien meilleur état que prévu, leur durée de vie opérationnelle pourrait être prolongée au-delà de 2030. Une transition au standard F-16V « Viper » a été évoquée mais les équipes de Sabca et de leurs partenaires travaillent même à de nouvelles améliorations et proposent de franchir une nouvelle étape avec un nouveau standard, spécifiquement belge : le F-16W « Waterzoï ». Les détails techniques de cette version n’ont pas été révélés.

    Le fédéralisme de la Belgique au secours du Scaf

    Après l’abandon du F-35A et la prolongation des F-16, le troisième volet du plan est le plus inattendu. Pour assurer la pérennité de sa défense aérienne au delà de 2030, la Belgique se propose de rejoindre le programme Scaf (Système de combat aérien futur) en cours de développement par la France, l’Allemagne et l’Espagne. L’arrivée de ce nouvel acteur devrait permettre de trancher le nœud gordien de la gouvernance, qui empoisonne les relations entre les partenaires actuels du programme.

    Selon Julienne Barbeau, qui suit le dossier pour le pôle de compétitivité Belgian Aerospace, la proposition belge permettrait de résoudre le problème des « trois tiers » de responsabilité qui bloque actuellement le partage des tâches entre Dassault Aviation en France, Airbus en Allemagne et Airbus en Espagne. « France, Allemagne et Espagne assument aujourd’hui chacune un tiers du programme. La Belgique, avec ses trois communautés et sa structure fédérale, peut mettre trois nouveaux tiers dans la balance : un pour la Flandre, un pour la Wallonie et un pour la région Bruxelles-Capitale. »

    Avec trois de ces six tiers en main, Bruxelles pourrait alors prendre la direction du programme Scaf et dénouer le blocage actuel. « Qui, mieux que des Belges, pourrait faire travailler ensemble des gens qui ne se parlent pas, ne se comprennent pas et ne s’apprécient guère ? », souligne Ruddy Heilbot du cabinet de conseil stratégique bruxellois Fiesch & Schieps.

    F-16 Belgique Sabca
    Un F-16 en cours d’inspection dans l’usine de Sabca à Charleroi. Crédit : Sabca.

    Mieux, grâce aux fonds économisés sur l’achat des F-35, Bruxelles souhaiterait recapitaliser Sabca, ancienne filiale de Dassault basée dans les trois régions fédérales, afin de lui permettre de monter au capital de son ancienne maison-mère et de reprendre la maîtrise d’œuvre du NGF (Next generation Fighter), l’avion de combat autour duquel s’articule le programme Scaf. « Tout cela est très ambitieux, et si nous voulons que le programme se fasse, il va falloir mettre le turbot », reconnaît Ruddy Heilbot.

    Toutefois, ce plan se heurte à la contrainte nucléaire de l’Otan, qui avait forcé Bruxelles à acheter américain pour pouvoir emporter les bombes gravitationnelles B61 stationnées sur le base de Kleine-Brogel, dans le Limbourg. Pour le député Ans Jovis, de la communauté germanophone, il serait peut-être temps de changer de tactique : « Si les Américains veulent tant que nous puissions emporter leurs bombes, ils n’ont qu’à qualifier les avions que nous choisissons », estime-t-il.

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    rupin51
    Invité
    rupin51

    joli poisson . Bravo !!!!

    Luc
    Invité
    Luc

    Poisson d’avril ?

    Rogger
    Invité
    Rogger

    Bon , espérons que cela permettra de pérenniser les relation franco Allemands sur ce sujets..
    Nous avons besoin de coopération, mais pas question de donner nos secrets et notre savoir faire acquis par Mr Dassault ..
    A nous de trouver un compromis…

    Amazir
    Invité
    Amazir

    Joli poisson d’avril ^^
    Fiesh and Sheps, Turbot …

    Motas
    Invité
    Motas

    Article très bien ficelé pour un poisson d’avril !

    Morsaï DCS
    Invité
    Morsaï DCS

    Je crois que c’est le meilleur poisson d’avril de la journée (même si je lis l’article le 2) xD les mangeurs de frittes a ma tête du SCAF :’)
    D’ailleurs j’aime beaucoup le  » il n’y a plus de friture sur la ligne » :’)