L’AESA confrontée au défi de la menace terroriste

Airbus A321 de Metrojet. Crédit : S. Korovkine.
Face au danger que représentent certaines destinations ou le survol de certaines régions l’agence manque de moyens pour émettre des recommandations efficaces.

C’était trois semaines avant le crash de l’A321 de la compagnie Metrojet dans le Sinaï égyptien. Lors d’un petit-déjeuner organisé par l’Association des journalistes de la presse aéronautique, le président de l’AESA, l’Agence européenne de la sécurité aérienne, a fait part d’une anecdote révélatrice. Quelques mois auparavant, il avait reçu un coup de fil de ses homologues américains de la FAA, l’agence fédérale américaine pour l’aviation, le prévenant que les Américains suspendaient leurs vols au-dessus du Sinaï.

Quelle recommandations peut dans ce cas émettre l’AESA, qui est une agence européenne ? Pour les Américains, cette interdiction ne représente que quelques vols, mais pour les Européens, ce sont 150 vols par semaine et la survie économique de la plus grande zone touristique égyptienne qui dépendent de cette décision.
Et le grand désavantage de l’AESA par rapport à la FAA, c’est qu’elle ne dispose d’aucun accès à des informations de sécurité. « L’information du risque vient des milieux de renseignement qui n’aiment pas partager », a expliqué Patrick Ky. « Nous dépendons très largement des informations provenant des Américains ».

Finalement, après un certain nombre de coups de téléphone, Patrick Ky arrive à obtenir des informations de la part de deux états européens, qui amèneront l’AESA à interdire les vols au-dessus du nord de la péninsule du Sinaï, mais pas au sud, considéré avant le crash de l’appareil russe comme sûr.

Le même problème a été rencontré lorsque les pays européens ont demandé à leur compagnies nationales fin juillet 2014 de cesser de voler vers Tel Aviv. La Grande-Bretagne, disposant d’informations autres, a continué à autoriser les vols de British Airways, seule compagnie européenne à desservir la ville israélienne à cette période.

Pas d’accès aux renseignements

L’AESA, ne dépendant pas d’un gouvernement et étant de ce fait privée des informations de renseignements, semble atteindre dans ces cas de crise la limite de son influence. « Nous avons besoin de renseignements militaires, » a insisté le Français lors de cet entretien. Les plans de vols de chaque compagnie diffèrent selon le pays dont elles sont originaires, et les zones survolées peuvent être plus ou moins sûres, notamment au-dessus de la Libye, de l’Ukraine ou d’autres zones de guerre. Cette nouvelle menace terroriste, et les moyens pour les compagnies d’y répondre, pose également la question du code-sharing. Dans le cas du vol MH17 abattu au-dessus de l’Ukraine, la grande majorité des passagers avaient acheté leurs vols sur le site de KLM. Mais les plans de vol de KLM, compagnie européenne, et les exigences de sécurité en vigueur dans l’Union Européenne, ne sont pas les mêmes que celles de Malaysia Airlines…

Alors que la menace se fait de plus en plus présente, la question du renseignement et du partage de l’information entre les Européens est plus pressante que jamais.

 

Cet article a été publié dans le numéro 0.1 d’Aerospatium, daté du 14 novembre 2015.

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