Covid-19 : Les avionneurs font le dos rond

Boeing 787 Charleston Avionneurs
La chaîne d'assemblage des 787 Dreamliner à Charleston. Crédit : Boeing.
Les avionneurs doivent parer au plus pressé, préserver dans l’immédiat leur appareil de production face à la crise sanitaire, leur santé financière face au ralentissement, mais aussi leur carnet de commandes alors que nombre de compagnies clientes pourraient se retrouver hors course.

Pour les avionneurs, la crise est également sérieuse. À court terme, le Covid-19 bouleverse la production des avions. Airbus, qui a renoncé à son objectif de livraison d’avions cette année, a annoncé le 6 avril la suspension « temporaire » des activités d’assemblage sur deux sites en Allemagne, ainsi que sur celui de Mobile aux États-Unis, en raison du coronavirus. À Brême, cette suspension s’étendra du 6 au 27 avril, et sur le site allemand de Stade, la « pause » durera du 5 au 11 avril. À Mobile, en Alabama, il est prévu qu’elle dure jusqu’au 29 avril. Le constructeur a déjà suspendu en mars pendant quatre jours ses activités d’assemblage en France et en Espagne. Le mois dernier 36 appareils ont néanmoins été livrés contre 55 en février.

Airbus s’estime solide

Dans l’Hexagone, les activités ont repris « graduellement » depuis le 23 mars, mais des activités au Royaume-Uni, en Espagne et au Canada « ont été temporairement suspendues, reflétant le niveau des stocks et les dernières restrictions gouvernementales », explique l’avionneur. Pour sécuriser ses opérations, celui-ci dit s’inspirer de la méthode appliquée sur son site de Tianjin où, selon son patron Guillaume Faury, aucun employé n’a été contaminé par le coronavirus et où « la production a repris à un niveau normal ».

Airbus Tianjin
La chaîne des A320 à Tianjin, en Chine, a redémarré en février. Crédit : Airbus.

Le 8 avril, Airbus a annoncé son nouvel objectif de production mensuelle, réduit d’un tiers par rapport à celui d’avant la crise. Quarante A320, deux A330 et six A350 sortiront des chaînes chaque mois.

Airbus a également renforcé sa trésorerie, avec l’obtention d’une nouvelle ligne de crédit portant ses liquidités disponibles à 30 Md€, contre 20 Md€ jusque-là. Le groupe a identifié « divers scénarios opérationnels, y compris des mesures visant à réduire les besoins de trésorerie » qui pourront être « activées en fonction du développement de la pandémie ». Il a annulé le versement de dividendes à ses actionnaires au titre de l’année 2019.

Le constructeur, qui se juge ainsi suffisamment solide pour affronter la crise, « ne demande pas un soutien direct des gouvernements aujourd’hui », a assuré Guillaume Faury, mais il plaide pour « un soutien fort à tout l’écosystème, particulièrement les compagnies aériennes directement touchées, pour qu’elles survivent et puissent reprendre leurs opérations une fois la crise terminée ».

Boeing très affecté

Plus durement touché en raison du développement important de la pandémie dans la région de Seattle, Boeing a prolongé la suspension provisoire de ses activités de production sur ses sites de Puget Sound et Lake Moses, initiée le 25 mars dernier. Après la suspension de l’assemblage du 737 MAX en janvier, ce sont désormais les long-courriers qui sont touchés. Seul, l’assemblage des 787 en Caroline du Sud était maintenu, mais Boeing a annoncé le 7 avril la fermeture « provisoire » de cette chaîne à compter du lendemain au soir. La production du 737 MAX, que Boeing espérait relancer en mai prochain, pourrait être retardée.

Depuis le 9 avril, le géant du transport de passagers ne produit plus d’avions civils.

Déjà affecté par la crise du 737 MAX, qui lui a coûté 18 Md$, Boeing va proposer un plan de départs volontaires à ses salariés, dont les détails ne sont pas encore connus. « Il faudra du temps pour que l’industrie aéronautique se remette de la crise », a justifié son patron David Calhoun, dans une lettre adressée au personnel. Pour faire bonne mesure, l’avionneur a aussi suspendu le versement de dividendes à ses actionnaires et interrompu jusqu’à nouvel ordre tout programme de rachats de ses propres actions. David Calhoun ainsi que le président de son conseil d’administration Larry Kellner ont renoncé à leur rémunération jusqu’à la fin de l’année.

Enfin, Boeing a réclamé à l’administration américaine un plan d’aide de 60 Md$ sous forme de garanties de prêts pour l’industrie aéronautique face à la pandémie de coronavirus.

Boeing Charleston
Le site de Boeing à Charleston. Crédit : Boeing.

Premières annulations pour les avionneurs

Face à la pandémie, l’objectif des constructeurs est de sécuriser leur appareil de production en attendant la reprise et de préserver autant que faire se peut leur carnet de commandes, sur lequel pèse le risque d’annulations ou de reports de livraisons. Guillaume Faury avait dit le 4 mars s’attendre à « une certaine surcapacité, au moins à court terme » en raison de l’impact de la crise sur le trafic international, lors d’une audition devant la commission des affaires économiques du Sénat. Plus loquace, le P-DG d’Embraer, Francisco Gomes Neto, a reconnu le 28 mars que de nombreuses compagnies aériennes avaient demandé le report de certaines commandes, mais qu’aucune n’avait été annulée.

Une première annulation est pourtant tombée le 3 avril : la société de leasing Avolon, basée en Irlande, a annulé une commande de 75 Boeing 737 MAX et de quatre Airbus A330neo, afin de « mieux s’aligner sur les conditions de marché » face à la crise du coronavirus. Avolon a aussi reporté la livraison de seize autres 737 MAX à 2024 et au-delà, et de neuf A320neo à partir de 2027.

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