Promesses et déception

Pas de trêve des confiseurs pour les journalistes. Entre Noël et le jour de l’an, j’ai été invité par deux chaînes de télévision de grande écoute à m’exprimer sur la mission DearMoon qui doit emmener le milliardaire japonais Yusaku Maezawa et huit artistes autour de la Lune, sur un Starship de SpaceX, « en 2023 ».

« Un calendrier très optimiste », ai-je poliment rétorqué. Avant cela, le Starship, qui n’a pas volé depuis mai 2021, doit encore atteindre l’orbite, en revenir en bon état, démontrer qu’il peut le refaire en toute sécurité, démontrer le ravitaillement orbital de grands volumes d’ergols cryotechniques ainsi que leur stockage de longue durée dans l’espace, l’injection translunaire et le retour à la vitesse correspondante, et enfin être qualifié pour le faire avec des humains à bord. Et je ne compte pas la question de la protection radiologique des passagers pendant une semaine loin de la Terre. Douze mois n’y suffiront manifestement pas.

Cette mission était déjà une surenchère d’Elon Musk, après l’abandon du projet d’un vol de Crew Dragon autour de la Lune pour le cinquantenaire d’Apollo 8 en 2018, lui même annoncé pour faire oublier le projet Red Dragon d’envoi d’une capsule vers Mars abandonné en 2017. Promettre des délais impossibles vend peut-être du rêve, mais à terme cela assure d’aboutir à une déception.

En regard, les précautions rhétoriques de Philippe Baptiste, P-DG du Cnes, le 17 janvier, pour annoncer qu’Ariane 6 volerait peut-être « à la fin de 2023, si tout se passe bien », semblaient aller dans l’extrême inverse. Mais la déception est déjà là. Le nouveau lanceur européen, qui ne manque pas d’adversaires dans son propre camp, était attendu pour le 16 juillet 2020. Beaucoup sont prêts à pardonner au flamboyant Elon Musk mais pas à un programme qui ne les fait pas rêver, fût-il vital.

Nous ferons le point sur les enjeux d’une année spatiale européenne qui s’annonce difficile dans notre prochain numéro

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