Le 5 mars, neuf militants de Greenpeace ont mené une opération d’éclat sur le tarmac de l’aéroport de Roissy, en badigeonnant de peinture verte, à l’aide d’un rouleau et d’une longue perche, un 777-200ER d’Air France afin de dénoncer le supposé greenwashing du gouvernement français sur les questions climatiques.
Des militants sont montés sur l’aile de l’avion, inoccupé et en stationnement sur l’aéroport, pour déployer des pancartes avec les slogans « Y a-t-il un pilote pour sauver le climat ? » ou « La solution : moins d’avions ».
« L’avion vert ne sauvera pas le climat » clame la nouvelle campagne de Greenpeace qui dénonce, selon l’association, le manque de fermeté du projet de loi « Climat et résilience », en cours de débat à l’Assemblée nationale et censé traduire dans les textes les recommandations émises l’été dernier par la Convention citoyenne sur le climat.
Selon les militants, « les innovations technologiques tant vantées par le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, ne suffiront pas à endiguer la crise climatique » et d’en appeler à la régulation et la réduction du trafic aérien, jugées « incontournables ».
Ils réclament notamment l’abandon des extensions d’aéroports, la suppression des vols courts lorsqu’une alternative en train de moins de six heures existe, le développement de l’offre ferroviaire et une fiscalité plus stricte, sans appel à la « compensation carbone », estimant de fait « que tous les secteurs doivent en fait réduire leurs émissions dans l’absolu ».
Conséquences d’une intrusion
Air France et le groupe ADP, gestionnaire des aéroports parisiens, ont annoncé leur intention de porter plainte. « Cette action enfreint toutes les règles de sûreté de l’aéroport et a causé des dégradations significatives sur l’appareil », a déclaré la compagnie aérienne. ADP a dénoncé une « action irresponsable et potentiellement dangereuse » constitutive d’un « délit ». L’opération n’a pas eu d’impact sur le trafic aérien.
Le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a évoqué des « poursuites pénales » sur Twitter. Il a également indiqué avoir demandé à ADP « un plan de sécurisation dans les plus brefs délais » et diligenté « une enquête administrative ».
La gendarmerie des transports aériens (GTA) est intervenue pour interpeller les militants. Placés en garde à vue 48 h, ils comparaîtront le 18 juin prochain devant le tribunal correctionnel pour dégradations en réunion, trouble au fonctionnement d’installation aéroportuaire et, pour huit d’entre eux, pour refus de prélèvement ADN, a indiqué le parquet de Bobigny.
En juin dernier, une vingtaine de militants du mouvement Extinction Rebellion s’étaient introduits sur une piste de l’aéroport d’Orly, alors que celui-ci venait de reprendre ses opérations après près de trois mois de fermeture due à la pandémie de coronavirus. Jean-Baptiste Djebbari avait déjà demandé à ADP de « travailler sur une sécurisation renforcée de l’accès des zones aéroportuaires ».
Aucune solution satisfaisante
Greenpeace dénonce l’utilisation des biocarburants de synthèse, en donnant l’exemple de la filière du biodiésel et de la pression environnementale exercée par la culture des oléagineux sur les écosystèmes.
Cet argument est biaisé, car la filière aéronautique se base, elle, sur des biokérosènes utilisant une technologie différente.
L’organisation ne croit pas non plus à l’avion à l’électrique en raison du poids des batteries qui réduisent le rayon d’action des avions et les font donc passer dans la catégorie des vols courts que l’association souhaite supprimer. Étonnamment, l’argumentaire présenté ne soulève pas la question du poids environnemental de la production et du recyclage des batteries.
L’association écologiste ne croit pas davantage à l’avion à hydrogène, puisque celui-ci est aujourd’hui un sous-produit de la pétrochimie. L’argumentaire de l’association écologiste dénonce également la production d’hydrogène renouvelable, pour stocker, via électrolyse, l’électricité intermittente fournie par l’éolien ou le solaire. Elle est considérée par Greenpeace comme inenvisageable car elle ne suffirait pas, à elle seule, à fournir la totalité de la ressource.
Cette méthode de production serait pourtant une alternative plus propre que les actuelles batteries (pour les raisons précédemment citées) et présentant un meilleur rendement que le pompage mécanique de l’eau dans les retenues hydro-électriques.
Greenpeace s’inquiète davantage des difficultés techniques pour le stockage de l’hydrogène au sol, sur des aéroports dont elle refuse le réaménagement, et à bord des avions. De plus, rappelle-t-elle justement, l’hydrogène ne concernerait dans un premier temps que les vols court et moyen courrier.
Enfin, la perspective présentée par Airbus de développer un avion à hydrogène pour 2035 est jugée trop tardive : « C’est maintenant que se joue la crise climatique », assure Greenpeace.
La technologie déconsidérée
Pour Greenpeace, afin de tenir les objectifs de l’Accord de Paris, il faudrait réduire de moitié le nombre de passagers dans les vingt ans à venir. La possibilité de réduire de moitié – ou plus pour compenser l’augmentation du trafic – les émissions par passager, n’est simplement pas évoquée.
Dans son argumentaire militant, l’association écologiste écarte les différentes solutions techniques étudiées par le secteur pour réduire son empreinte carbone car aucune ne peut, à elle seule, résoudre le problème. Depuis trente ans, les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de bruits et de nombreux polluants ont été réduits de moitié grâce aux différentes innovations technologiques.
Même la question des oxydes d’azote émis à haute altitude – citée par Greenpeace – est traitée par les motoristes.
Peu de secteur ont autant investi dans ce domaine et le volume des investissements en R&D reste un poste budgétaire de premier rang chez tous les acteurs, du donneur d’ordre au sous-traitant.
Que ce soit chez les avionneurs, les équipementiers ou même les gaziers, personne n’entrevoit un avenir sans évolution des pratiques et des moyens. Les avions actuels sont conçus pour être polyvalents et volent donc souvent sur des routes ou à des altitudes qui ne sont pas optimales pour leur motorisation. Là aussi, des évolutions sont à attendre, avec de plus forts taux de dilution pour les long courriers, un plus grand recours aux turbopropulseurs sur les courtes distances, des couloirs aériens adaptés, des procédures au sol moins consommatrices de carburant.
En outre, l’argumentaire présenté contre l’avion élude la question du poids écologique des alternatives. Le renouvellement d’une infrastructure ferroviaire dont les grands axes sont largement saturés, aura une empreinte écologique qu’il ne faut pas ignorer.
Une ligne à grande vitesse (LGV) représente une emprise au sol comparable à celle d’un grand aéroport international tout en desservant un bien moins grand nombre de destinations variées. Sa construction et son entretien, avec les nombreux ouvrages d’art qu’elle requiert (ponts, tunnels et gares) est aussi une grande consommatrice de béton, dont la production est elle aussi très génératrice de gaz à effets de serre.
Enfin, si le train est un moyen de transport largement décarboné en France, c’est avant tout grâce à la forte proportion d’électricité d’origine nucléaire, autre bête noire de
Greenpeace.
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