Ariane 5 se retire, Ariane 6 arrive

Ariane 6 CTM
Ariane 6 CTM sur la table de lancement de l'ELA-4. Crédit : ESA - Cnes - ArianeGroup - Arianespace - CSG Service Optique.
Après le vol du 7 septembre, il ne reste que trois Ariane 5 à lancer, mais Ariane 6 arrive dans la dernière ligne droite de ses essais au sol et le calendrier de son introduction devrait être annoncé sous peu.

Parfois, quand les évènements s’en mêlent, il faut juste attendre que cela passe. C’est ce qu’on fait les équipes du DLR sur le site d’essais de Lampoldshausen, lorsqu’un orage inopportun sur la Forêt noire est venu inonder leurs installations. Cela s’est produit au moment même où elles s’apprêtaient pour une étape cruciale dans le développement d’Ariane 6, la première mise à feu au banc de l’étage supérieur du lanceur. Attendue depuis des mois, cette mise à feu devait faire suite à de nombreuses répétitions « à sec », sans les ergols, qui ont permis de valider les procédures, notamment celles destinées à gérer les configurations « dégradées », c’est à dire les anomalies potentiellement dangereuses.

Le premier essai à feu de cette campagne HFM (Hot Firing Model) est désormais prévu pour la mi-septembre.

À Kourou, l’Ensemble de lancement Ariane n°4 ‘ELA-4) abrite depuis deux mois son premier lanceur Ariane 6. Début octobre, ce lanceur CTM (Combined Test Model) devrait recevoir sa charge utile factice, sous une coiffe longue de 20 m. Verticalisé au début de l’été, le corps central cryotechnique a été installé sur quatre accélérateurs ESR (Equipped Solid Rocket), dont trois sont des maquettes et le quatrième est chargé de propergol inerte.

Une date pour Ariane 6 à la fin du mois

La campagne d’essais sol-bord est engagée. Après les connexions mécaniques, les équipes du Cnes et d’ArianeGroup vont passer aux connexions fluidiques et électriques et à la validation des logiciels. Ces vérifications, sur trois à quatre mois, aboutiront, peut-être dès la fin de l’année, à des essais de mise à feu du moteur Vulcain 2.1. Il s’agira d’abord de simples allumages, puis d’une mise à feu statique pour une durée complète de vol, soit environ 500 s.

Ariane 6 CTM
Le lanceur CTM a été renforcé pour subir des essais à feu au sol. Crédit : J. Hazemann – PepperBox – ArianeGroup.

À la fin septembre, assure Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial à l’ESA, les partenaires devraient être assez confiants dans le déroulement des campagnes pour annoncer une date pour le premier vol d’Ariane 6.

Daniel Neuenschwander se félicite d’ailleurs d’une qualification obtenue le 13 juillet dernier, avec le vol parfait du P120C en tant que premier étage de Vega C. « Non seulement les performances sont dans la cible visée, mais elles sont en plein milieu ! » s’enthousiasme-t-il.

La qualification de Vega C devrait d’ailleurs être prononcée très prochainement, après dépouillement des données de vol, et l’exploitation du lanceur sera transférée à Arianespace, qui annonce déjà un prochain vol le 21 novembre, avec deux satellites d’observation Pléiades Neo d’Airbus Defence & Space.

Juice domine le manifeste

Arianespace prévoit de terminer l’année avec un troisième lancement d’Ariane 5, pour mettre sur orbite trois satellites géostationnaires : Galaxy 35 et 36 fabriqués par Maxar pour Intelsat – qui seront lancés empilés comme s’il ne s’agissait que d’une seule charge – et le premier satellite météorologique européen Meteosat de troisième génération, MTG-I1, construit par Thales Alenia Space pour l’organisation Eumetsat.

En raison de la guerre en Ukraine, Arianespace finira donc son exercice avec six missions au lieu de quinze, puisque neuf vols Soyouz sur dix ont été annulés. Le chiffre d’affaires s’en ressentira nécessairement, reconnaît Stéphane Israël, P-DG d’Arianespace, qui rappelle qu’il s’agit là d’une situation de « force majeure », dont le régime est heureusement prévu dans les contrats.

Ariane 5 VA258
Bientôt une image du passé ? Ariane 5 a décollé le 7 septembre pour la mission VA258. Crédit : ESA – Cnes – ArianeGroup – Arianespace – CSG Service Optique.

Il restera donc deux Ariane 5 à lancer en 2023, dont une pour la sonde européenne Juice, de l’ESA. Sa fenêtre s’ouvre une première fois en avril, puis à nouveau en juillet, pour rejoindre une trajectoire à destination de Jupiter, dont elle doit étudier les lunes. Cette mission était prévue sur la 117e et dernière Ariane 5, mais les contraintes opérationnelles pourraient amener à réviser ce calendrier. Avec deux mois incompressibles entre deux vols depuis qu’il ne reste plus qu’une seule table mobile pour assembler le lanceur et le transférer en zone de lancement, Arianespace pourrait décider de ne pas essayer d’intercaler un lancement en février, susceptible de subir des retards et de mettre en danger la disponibilité du lanceur de Juice à l‘ouverture de la fenêtre interplanétaire. La dernière Ariane 5 pourrait donc ne voler qu’en juin ou juillet prochain.

En parallèle, il faudra faire de la place pour la première Ariane 6 et surtout pour les suivantes. Initialement, Ariane 6 devait voler d’abord en version Ariane 62 vers les orbites basses et moyennes lors de ses deux premiers vols et en version Ariane 64 vers l’orbite géostationnaire lors de son troisième vol.

Ce scénario est actuellement revu afin de proposer plus de vols en version Ariane 62 pour emporter au plus vite des charges prévues sur Soyouz et aujourd’hui orphelines, telles que des paires de satellites de navigation Galileo, le satellite d’observation militaire français CSO-3 ou l’observatoire Euclid de l’ESA. La mission environnementale EarthCare de l’ESA pourrait pour sa part être transférée sur Vega C, mais cela reste à confirmer.

La nouvelle Ariane 6 à la ministérielle

Lorsqu’ils se réuniront à Paris en novembre, les ministres du Conseil de l’ESA devront se prononcer sur 3 Md€ de propositions de programmes pour le transport spatial, avec notamment l’achèvement du développement du moteur Prometheus et du démonstrateur de premier étage réutilisable Themis. Une enveloppe sera également prévue pour augmenter la capacité d’emport d’Ariane 6 et donc sa compétitivité, afin de mieux coller aux évolutions du marché, qu’il soit commercial, avec les constellations, ou institutionnel, avec les missions lunaires.

Cette Ariane 6 « block 2 » sera équipée du nouveau moteur P120C+, dont le chargement en propergol passera de 146 à 160 t, et bénéficiera d’un nouveau réglage du moteur Vinci sur son étage supérieur. Ces modifications devraient permettre d’ajouter 2 t à la capacité en transfert géostationnaire et 4 t à la capacité sur orbite basse. La première utilisation sera pour le déploiement de la constellation Kuiper d’Amazon, pour laquelle 18 Ariane 64 ont déjà été commandées.

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